Carnet de route

Nous sommes 18 prétendants à l’ascension du Mont Mounier en ce dimanche 14 avril. Nos 3 encadrants nous ont réservé la surprise d’une très belle course d’envergure. Tout est réuni pour que la journée soit une réussite : la météo printanière, de la neige à profusion et un sommet que l’on aime faire et refaire quelle que soit la saison. Sur le parking du petit hameau de Roya, Denis réalise le briefing. Nous ne sommes pas les seuls à boire ses paroles : un vieux chat s’invite à la fête. Nous écoutons attentivement, un peu inquiets, recommandations et informations sur le déroulement de la course. Après le contrôle DVA réalisé devant la petite chapelle du village, les 3 groupes, menés par Vincent, Denis et Gabriel, sortent du hameau par le GR5. 

Nous le quittons très rapidement pour nous enfoncer dans la forêt, hors sentier. Nous slalomons au mieux entre les sapins derrière nos leaders. Nous entrons très rapidement dans le vif du sujet : la pente est raide. En plus de gérer le souffle qui se fait court dans ces pentes, il faut également veiller où nous mettons les pieds et faufilons nos têtes : il y a beaucoup de branches au sol et à mi-hauteur. Le premier point de passage est atteint : l’antenne relais surplombant le hameau de Roya et ça crépite dans les radios pour en informer ses petits camarades et prendre des nouvelles de chacun des groupes. Nous avons déjà chaussé les raquettes depuis quelques temps et évoluons sur une neige humide et glissante en surface. Nos traceurs glissent à chaque pas : un pas en avant, 2 pas en arrière. Il faut s’armer de patience et essuyer quelques gouttes de sueur avant de rejoindre enfin la crête de Cabane Vieille à environ 2000m d’altitude où presque 500mD+ ont déjà été absorbé. 

Même si nous n’apercevons pas encore le Mont Mounier, nous savons à présent que le sommet est droit devant nous, en suivant la crête, par-delà une multitude de petits mamelons qu’il faudra gravir les uns après les autres, patiemment. A l’avant, Vincent donne le tempo à son groupe et ouvre la voie en essayant d’adoucir le mieux possible les difficultés qui se dressent sous nos raquettes. Derrière, le groupe de Denis débouche à son tour sur la crête. Ils aperçoivent au loin les petites silhouettes du groupe 1. Un peu derrière, Gabriel et son groupe progresse dans la forêt en essayant de ne pas laisser trop de force pour profiter également de la crête de Cabane Vieille. Le second gros raidard débouche sur une pointe culminant à 2552m. C’est ici que pour la première fois on peut apercevoir le sommet du Mont Mounier et son immense Ubac maculé de blanc, mais que l’on prend également conscience des efforts restants à accomplir avant d’y arriver. 

Nous longeons une belle crête cornichée : Vincent s’en éloigne prudemment et reste à bonne distance. Devant le groupe 1 se dresse alors un ultime mur blanc permettant de rejoindre l’arête nord du Mounier. C’est au pied de celui-ci que Vincent prend la décision de poursuivre la progression crampons aux pieds, piolet à la main. Il en informe Gabriel et Denis par radio interposée. Denis choisira également cet endroit pour l’imiter avec son groupe. Denis observe alors Vincent progresser lentement : dans la butte enneigée, les crampons s’enfoncent un peu plus que les raquettes et la pente est raide. Ensuite, le final rocheux freine aussi la progresse. On entend alors Denis demander à Vincent : “ça s’annonce comment ?” Il lui répond : “ça s’annonce” silence, restons concentré. Le groupe 2 de Denis commence alors l’ascension de la partie finale du Mont Mounier. Devant, les dernières difficultés sont franchies : il a fallu contourner des blocs rochers et utiliser ses mains pour passer certains rochers, et enfin terminer les derniers mètres sur une arête effilée menant à la croix. La bonne nouvelle est annoncée à la radio. Gabriel annonce qu’il a atteint le point côté 2552m avec son groupe et qu’il redescend vers Roya. D’abord en crête puis en direction du vallon de Sallevieille. 

Après un repas vite avalé, Vincent décide de descendre de quelques mètres sous le sommet, à la rencontre du groupe 2. Il les retrouve très vite dans un passage rocheux. Michel joue les anges-gardiens aux avant-postes, en nous aidant à prendre les traces du groupe 1, tandis que Denis assure les derniers participants dans un autre passage. Et c’est un par un, à la file indienne, que nous arrivons au niveau de Vincent, sur la crête enneigée. Il nous rassure et nous montre chacun à notre tour le chemin vers le sommet. Groupes 1 et 2 se retrouvent alors pour partager le repas sous un soleil printanier à 2817m d’altitude. La vue est si belle, mais personne ne demande son reste. Nous nous empressons de reprendre des forces car nous sommes fatigués après cette longe ascension terminée par un passage de rando alpine. Après une petite photo de groupe, Denis prend la tête du groupe unifié en direction du Petit Mounier. En regardant l’Ubac très chargé, décision est prise de descendre dans le vallon de Sallevieille par le col de Crousette, allongeant un peu la sortie mais la sécurité du groupe passe avant toute chose, d’autant qu’aucune purge ne s’est produite dans cet Ubac et que le cumul de neige est très important. 

Gabriel informe alors Denis et Vincent que la passerelle de Sallevieille n’est pas sur pied, qu’il y a un passage à gué sur le GR5. Eux ont pu rester rive droite du torrent. On s’en souviendra. Après le col, le soleil frappe fort nos nuques dans cette immensité sauvage de Sallevieille. Nos leaders cherchent le meilleur itinéraire pour contourner les ressauts rocheux en évitant les rochers affleurants, source d’ennui. Jean-François se fera attraper par l’un d’eux, heureusement sans mal et en comptant sur l’aide de ses camarades pour s’extirper du trou. Pendant ce temps, certains testerons la descente en mode “culling” sur des portions de neige très transformée par le soleil, où nos raquettes glissent sans s’enfoncer. Le groupe tient la rive gauche le plus longtemps possible, jusqu’à atteindre la fameuse passerelle. De l’autre côté, le GR5 est exempt de neige. Que faire ? Traverser à gué ? Mais le torrent est gonflé par la fonte des neiges et l’heure avancée. Aller plus bas chercher un meilleur passage au risque de tomber sur des ressauts infranchissables. Vincent dit : “on traverse ici”. Tous semblent médusés. C’est une première. On va traverser la rivière. Mais nous allons devoir redoubler de prudence car le courant est important. Il ne faudrait pas se faire déséquilibrer et finir les fesses dans l’eau. Une première branche de rivière de franchie, il en reste une deuxième. Certains traverseront de l’eau jusqu’aux cuisses, d’autres à mi-mollets. Une fois tous en sécurité en rive droite, on en rigole. Une sortie vraiment complète aujourd’hui. 

Gabriel nous annonce alors qu’il a rejoint les voitures avec son groupe 3. Nous le suivrons environ 30min plus tard, tous bien fatigués par cette longue journée mais aux anges d’avoir pu effectuer cette course par cet itinéraire alpin et sauvage. Nous remercions nos encadrants pour leur soutien et leur aide dans les passages délicats. Sans eux, nous n’aurions pas pu arriver au sommet du Mont Mounier. Mais ils ne sont pas les seuls qu’il faut remercier chaleureusement : Michel, Jacques en ange-gardiens, toujours là et bienveillants pour nous épauler dans la difficulté et Vincent M. qui redouble lui aussi d’efforts pour agrandir la trace de Vincent, nous facilitant grandement la progression. Certains d’entre nous (et je pense à Brigitte) se seront dépassés mentalement et physiquement dans les moments difficiles. Bravo à tous d’être venus à bout de cette course d’envergure. Après quelques délices sucrés et salés, nous nous quittons, ravis, les sourires barrant tous nos visages. On se retrouve très vite pour d’autres journées merveilleuses en montagne et d’excellents moments de partage.