Carnet de route

Tout en haut de la cime ouest
Sortie : Cime ouest de fenestre du 02/02/2020
Le 05/02/2020 par Gabriel Collon
Pas des Ladres et cime Ouest de Fenestre dénivelée : 1150 m distance :15 km
Une fois passé le cap fatidique de la quarantaine (d'inscrits), nous pénétrons dans les eaux tumultueuses des quarantièmes rugissants. Et peut-être un jour dans celles des cinquantièmes hurlants ? Nous démarrons à 44 raquettistes du chalet d'accueil du Boréon, comptés et recomptés par nos encadrants, soucieux -on les comprend- de ramener à bon port, à l'issue de la sortie, le même nombre d'adhérents. Qu'on en trouve un de plus à l'arrivée : pas grave ! Mais, surtout, qu'on n'en ait pas un de moins.
Vincent, Annie et Jacques se chargent du G1. Et surtout de faire la trace. Gabriel et Patrick encadrent le G2. Comme à chaque sortie depuis la reprise de l'activité en décembre dernier, on fait la connaissance de nouveaux adhérents, curieux de découvrir ce que peut bien être la "raquette alpine"... Les crampons sont au fond des sacs, et quelques piolets sont de sortie. Et nous chaussons aux voitures, expression rituelle, véritable "Sésame ouvre-toi" des randos qui commencent bien.
Un échauffement est même prévu : nous avons jusqu'aux vacheries de l'Alpage pour prendre le rythme, dompter le souffle, et trouver une bonne place dans la spectaculaire file indienne qui se constitue. Puis la montée se fait sans difficulté jusqu'au Gias de Peïrastrèche, où nous quittons la direction du refuge de la Cougourde pour celle du lac de Trécolpas. Notons, sur le trajet, la toujours très pittoresque traversée des petites passerelles qui enjambent les torrents et leurs rochers engloutis sous une généreuse couche de neige.
En suivant grosso modo l'itinéraire d'été du GR52, nous voici déjà sur les rives du lac de Trécolpas, indétectable sous la neige et la glace. Une petite pause permet le regroupement. Mario annonce aux arrivants "Déjà 700 mètres !" On aimerait surtout savoir ce qu'il reste à gravir, mais l'info est toujours bonne à prendre. Tous les regards se portent sur les montagnes environnantes, Juisse, Agnelière, Lombard, Trécolpas, pour ne parler que des plus proches, et on s'amuse à deviner laquelle de toutes ces brèches enneigées est notre pas des Ladres. Tout simple ! Pile en face, et pile en haut... Pas le temps de réfléchir, nous repartons déjà, happés par la dynamique du groupe et par la perspective d'une montée pas trop raide, pas trop longue, sur une neige pas trop dure, et avec un ciel parfait sous lequel il ne fait ni trop chaud, ni trop froid.
Bien que la pente se redresse considérablement, elle reste de A à Z adaptée à la progression à raquette, à condition de garder en mémoire que, sous la couche de neige récente dans laquelle la trace s'accentue au fur et à mesure de notre passage, se cache une couche de neige plus ancienne, encore gelée. Annie rappelle à l'ordre quelques moutons et une brebis qui tentent de quitter le troupeau à la faveur d'un raccourci bien tentant : on ne rigole pas avec une possible plaque à vent. Retour penaud de ces frondeurs dans le droit chemin, qui n'est d'ailleurs pas droit du tout, mais tout en zigzags bien serrés. Jolie, la trace !
Et nous voici rendus au pas des Ladres, à 2432 mètres, passage entre le vallon de la Madone de Fenestre et le val du Haut-Boréon. Impressionnant spectacle que celui de 44 raquettistes sur le point de grimper, grimpant ou ayant grimpé cette belle pente de neige. Quand on pense que, pour certains, il s'agit là d'une sortie "découverte de l'activité"... Bravissimmo...
Le temps que les derniers arrivent au col, les premiers sont déjà repartis, dans les pas de l'increvable Vincent. Très en forme, il commence à remonter la crête qui part plein nord du pas des Ladres. La pente se redresse vers le haut, file vers le bas, et il s'avère vite nécessaire de troquer raquettes contre crampons, voire bâtons contre piolet. Les couloirs et pentes très raides qui descendent vers la combe de Trécolpas incitent à la plus grande prudence, et un petit final rocheux un peu aérien sur quelques mètres, négocié crampons aux pieds, nous ramène de force à la réalité montagnarde : chaque pas peut se transformer en faux pas.
Un roulement s'organise au sommet, car il n'y a qu'une petite dizaine de places debout, et encore moins de places assises. En fait, on réalise que peu de montagnes sont prévues pour une photo de groupe à 44... Face à nous, les autres pointes de la cime Ouest de Fenestre, dont le point 2662, matérialisé par son grand piquet de bois, à quelques centaines de mètres à vol d'oiseau de notre sommet du jour. Mais, comme nous ne sommes pas des oiseaux, nous faisons demi-tour en direction du pas des Ladres, certains en reprenant prudemment le même itinéraire en crête, avec quelques passages descendus en marche arrière ; d'autres en prenant un chemin moins encombré, mais surtout moins exposé, juste à l'est sous la crête.
Nous redescendons du col vers le lac de Trécolpas. Les crampons nous assurent une accroche bien plus efficace que les raquettes, en descente, et tout le monde arrive sans encombre sur le spot du pique-nique, moment toujours attendu où l'on réalise brusquement que... mais oui... il se fait faim...
Et comme on a rarement faim sans avoir aussi soif, direction Les Tilleuls, afin de réhydrater nos organismes altérés. En ce jour de Chandeleur, pas de crêpes dans les sacs à gâteaux de nos pâtissières bien-aimées, mais un fort vaste échantillonnage de tout ce qu'on peut créer à partir de farine, oeufs, citron, chocolat, oranges et même jambon... Il ne s'agit plus d'un goûter, mais quasiment d'un dîner anticipé, déballé et englouti dans un indescriptible brouhaha. Pierre et Jean, que la rando n'a pas suffisamment fatigués, se portent volontaires pour seconder la gentille patronne, font passer les commandes, apportent les plateaux, crient 5 fois " Pour qui le Schweppes ?" avant que quelqu'un ne se reconnaisse, comme réveillé en sursaut.
Merci à nos encadrants de nous avoir guidés sur ce sommet élégant, avec ses belles perspectives. Et quant à l'absent du jour, notre irremplaçable Tony, il est temps qu'il revienne, histoire de mettre un peu d'ordre dans la joyeuse pagaille de notre pot de fin de journée...