Carnet de route

Glisse entre les géants du Mont Rose

Le 06/04/2025 par Coat Emma

Un peu plus d’un mois plus tôt, j’avais rencontré Jean-Noël lors dune sortie CAF. Il m’avait parlé avec des étoiles dans les yeux d’un projet de raid dans le massif du Mont Rose. J’avais accepté avec enthousiasme, séduite par l’idée de découvrir le ski sur glacier dans un lieu si magique.

J1 ACCLIMATATION ET REFUGE CINQ ÉTOILES 

Le voyage au Mont Rose commence dans la vallée de Gressoney, nous offrant déjà un aperçu des sommets qui nous attendent, colorés de rose par le soleil qui se couche.

La première étape, la moins sportive, consiste en une montée à une altitude de 2300m dans une benne mêlant un tas d’alpinistes piolet sur le sac à des skieurs de station. Drôle de mélange auquel je ne suis pas habituée. De là nous partons, skis aux pieds, jusqu’à Orestes Hutte, dans une chaleur écrasante.

Le refuge ressemble plus à un hôtel cinq étoiles qu’aux cabanes auxquelles je suis habituée, avec douche chaude, prise électrique, eau gratuite, restauration vegan presque gastronomique … 

On profite de l’après-midi pour monter à Alta Lucce, petit sommet de 3100m et s’acclimater un peu. Ça chauffe beaucoup donc on ne tarde pas à redescendre dans de la bonne neige de printemps. 

Repos, soleil, lecture, yoga pour préparer les journées suivantes vers les 4000 !

 

J2 PASSAGE DE 4K ET PREMIÈRES PROMESSES

Aujourd’hui les objectifs sont, d’atteindre le refuge de Mantova, et de cocher le premier 4000. 

Plusieurs options s’offrent à nous : enchaîner la montée au refuge puis au pic Girordani ou à la Piramide Vincent, avec beaucoup de dénivelé, un passage un peu rock’ roll et peu de chance de réussite, ou tricher un peu et redescendre prendre la benne qui nous rapprochera de Giordani.

L’option triche avec la benne s’avère payante, même si on a failli tout gagner et rester en bas car elle est restée en panne un moment.

Le sommet est atteint dans les temps, avec une petite escalade en crampons du rocher sommital, avec 1000m de gaz de l’autre côté, ça met dans l’ambiance ! Puis une petite via ferrata nous mène au refuge Mantova pour finir la journée en beauté. 

Pour moi en plus du premier 4000 alpin et en ski, l’exploit est surtout de n’avoir eu ni main ni pied gelé !

 

J3 DOUBLET INATTENDU ET UN CŒUR QUI S’ÉLÈVE 

Après une nuit froide et donc courte à Montova, départ couteaux sous les skis à la recherche du soleil.

Malgré son apparition, furtive puis permanente, je retrouve cette douce sensation du froid qui s’empare de mes orteils et mes doigts. Mais on monte vite, à un rythme régulier. 

La barre des 4000 passe facilement, au milieu des immenses crevasses. Le sommet de la Piramide (et pas pyramide) est atteint en un rien de temps. La stratégie de Jean-Noël d’acclimatation progressive, à laquelle je dois avouer que je ne croyais pas complètement initialement, s’avère finalement très payante !

Nous sentant bien, on décide d’enchaîner sur le Balmenhorn, après un repeautage rapide puis une petite escalade. Ce gros rocher est coiffé d’un Christ qui nous sert de relais, et d’un petit abri en tôles, mais Jean-Noël apprendra malheureusement plus tard qu’il ne fait pas partie des 4000 officiels des Alpes. Il valait quand même le coup de la petite ascension supplémentaire. 

Le retour se fait à ski sous le soleil et entre les crevasses béantes. Nous arrivons tôt au refuge, juste avant que le mauvais temps arrive, timing parfait !

 

J4 LE SOUFFLE DU VENT, LA MAGIE DES GÉANTS 

Départ avec les sacs très lourds, un petit stop aérien au refuge Gnifetti s’impose pour décharger les mules.

Puis on se sent plus léger pour entamer la montée au col de Lys, mais le vent est de plus en plus décidé à contrarier nos plans. Certaines rafales me font presque passer par-dessus bord, on doit se baisser mais on tient bon.

Et puis j’ai quand même bien envie d’aller voir ce qu’il y a derrière ce col, qui plonge paraît-il vers la Suisse et Zermatt. 

Bonne nouvelle, le vent n’a pas l’air d’y s’être installé, mais par contre il nous resterait une sacrée trotte, une descente et une montée jusqu’au sommet mythique.

L’alternative serait de faire des « petits » sommets à 4300, mais je suis super motivée pour rester sur le plan initial, qui nous dit que demain toutes les chances seront réunies comme aujourd’hui ?

Alors on entame la descente sur ce magnifique et impressionnant glacier, puis une montée au chaud, qui m’éprouve un peu. Vers 4500m, les crampons remplacent les skis et on entame la montée finale vers le refuge le plus haut d’Europe, Capanna Marguerite, qui coiffe la Punta Gnifetti. Quelle idée de dormir là, j’en ai mal à la tête rien que d’y penser ! Mais quel bonheur d’être au miles des géants, Lyschamm, Cervin, pointe Dufour … à 4500m, et en plutôt bonne forme en plus !

Le petite remontée au col de Lys achève le peu d’énergie qu’il nous reste, mais nous permet de repérer ce qui nous réjouira demain.

Le refuge où nous passons la nuit, Gnifetti, sera celui que j’aurais préféré, un accès digne d’une épreuve de la Pierra Menta, peu de confort mais de la chaleur, une vue sans fin sur les montagnes même de mon lit, des échanges sur les courses des uns et des autres autour d’une infusion.

 

J5 SUR LE FIL DES MONTS ROSES

Réveil du dernier jour « vite debout, les montagnes nous attendent déjà ».

Motivés à profiter encore de tous ces sommets qui nous entourent, on franchit rapidement l’épreuve de l’équipement en espace exigu et de la descente skis sur le dos.

Malgré la météo qui annonçait un temps doux, cette montée doit être la plus froide de notre périple. Le soleil paraît enfin, derrière la Piramide, mais il peine à nous réchauffer. 

Nous arrivons enfin au col, et redécouvrons Dufourspitze, Zumsteinspitze, Gnifettispitze et Parrotspitze, repérés hier.

Ce dernier attire l’œil de tous les randonneurs qui passe le col de Lys avec son arrête de neige effilée très esthétique. Cependant accéder à l’arrête ne nous paraît pas évident. On décide d’aller voir de plus près la pente de glace qui le protège, et un itinéraire finalement évident se dévoile. Après une montée en neige, me voilà avec le vide de chaque côté de mes pieds, avançant en appui sur un bâton et un piolet. La concentration est de rigueur pour ne pas basculer d’un côté ou de l’autre. 

Enfin nous atteignons le point le plus haut de l’arrête, juste après la traversée d’une grosse crevasse surprenante mais effrayante. C’est une première pour moi dont je garderai un très beau souvenir.

Après la descente, toujours sur le fil, tout s’enchaîne vers le Ludwigshohe, moins esthétique mais très bon point de vue sur ses voisins. Un peautage/depeautage et un cramponnage/decramponnage et c’est dans la poche !

Le dernier au programme, le Corno Nerro, va nous donner du fil à retordre. Il s’attaque par une pente de neige dure et en bonnes conditions, avec un relais confortable pour se protéger. Ensuite ça se corse, plus rien pour se protéger sauf une broche dans une fine couche de glace, avant un dernier passage en mixte sans protection. On préfère s’arrêter juste avant, on aura vu la tête de la statue de la madone au moins. Il nous faudra revenir avec un tout petit peu plus de corde pour assurer une descente en rappel et le valider officiellement.

Dernier retour au refuge haut perché dans de la neige se transformant, une dernière escalade pour profiter d’une soupe et échanger avec nos amis de la veille. Puis c’est la descente dans de la neige purée puis soupe cette fois, et le retour vers des chaleurs très très élevées. On arrive quand même à descendre à ski jusqu’en bas, validant une de nos plus longues descentes en ski de rando. 

 

Quelle semaine, tout s’est enchaîné parfaitement jusqu’au dernier moment. 

C’est vrai qu’il y a eu du froid au bout des doigts, mais aussi des étoiles dans les yeux. Et entre la météo, l’acclimatation et les décisions prises ensemble, les 7 sommets se sont enchaînés avec grâce et fluidité. Merci Jean-Noël pour cette idée géniale qui nous a ouvert la porte des plus beaux-hauts sommets !

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